Alexxuss » Вс фев 14, 2010 09:33
L’ âme d’une grande cite ne se laisse pas facilement saisir; il faut, pour communiquer avec elle, s’être ennuyé, avoir quelque peu souffert dans les lieux où elle est circonscrite.
...Cette ville que j’appelle secrète parce que les étrangers n’y pénétrent pas... cette ville, les Parisiens la connaissent si bien et ils trouvent si naturelle son existence qu’ils ne songent même pas à en parler, sauf les romanciers et les poète dont le rôle est justement de voir comme la première fois avec des yeux tout nouveax ce que nous regardons sans y perdre garde. Encore ces écrivains n’arrivent-ils pas toujours à nous dire clairement ce qu’ils ont découvert. Ils peuvent, par example, décrire tous les aspects d’un petit café des environs de la rue de Buci, mais il faudrait la sensibilité particulière d’un Baudelaire ou d’un Proust pour nous en donner ce qu’on apelle aujourd’hui l’atmosphère, pour traduire le charme d’une certaine laideur et rendre cette indéfinissable bonne camaraderie des objets qui caractérise un endroit banal aux seuls inattentifs: la plante ornée d’un atroce noeud rouge, la banquette de cuir usée et crachant des touffes de crin noir, la table de gros marbre blac, le sous-main de toile cirée et le porteplume qui a servi à écrire tant de déclarations d’amour et de belles lettres de rupture, et à côté le siphon bleu- pâle, accessoires rituels de la vie de café tel qu’on pourrait les voir dans une toile de Picasso ou de Derain. Et, d’une certaine manière, c’est Paris. Tout, dans cette ville, a une qualité inanalysable qui permet de dire sans hésitation: «Ça, c’est Paris», quand même ce ne serait qu’un de ces gros balais qui chassent les feuilles mortes, en octobre, au bord des trottoirs, avec un bruit d’océan, ou une rangée de bouquins fatigués dans une caisse de bouquinistes, sur les quais, entre le Pont Neuf et le Pont Royal. Pourquoi il en est ainsi, je n’en sais rien, mais Paris imprime sa marque sur tout ce qui lui appartient. Les touristes sont trop distraits ou disposent de trop peu de temps pour s’en apercevoir, mais le coeur d’un vrai Parisien battra plus vite au souvenir de quelques pots de fleurs sur le bord d’une fenêtre ou d’un refrain populaire que siffle le garçon boucher sur sa bicyclette, si ce Parisien est loin de Paris. Montrez-lui la photographie d’une boulangerie où l’on voit un enfant qui mange un croissant, ou la photographie d’une table ou d’une chaise sur un trottoir avec un garçon à côté, debout dans son tablier blanc et sa serviette sous le bras, il pensera: «Ceci n’est ni Marseille, ni Toulouse, ni Lyon, bien qu’un observateur superficiel pût s’y tromper. C’est Paris. Bon ou mauvais, ce qui sort d’entre les mains de Paris, que ce soit une lettre, un morceau de pain, une paire de chaussures ou un poème. Ce que nous donnons au monde, nous ne l’avons emprunte à personne; c’est à nous; on peut nous le prendre, on peut nous le voler, mais l’imiter, non».
J. Green «Paris»
Ловушка из слов, собранная наскоро, сети из пера из записной книжки, наброшенные на мысль до того, как та убежит.