Ну что ж, погнали
Оригинальничать не буду, предложу уже предложенное, ну нравится мне этот текст, хоть весь роман я и не читала. Принимаются и встречные предложения, короче, тащите все, что есть, бум выбирать!
Clara Dupont-Monod
La folie du roi Marc
roman
Je m'appelle Marc, je suis roi de Cornouailles et ma femme me trompe.
Elle s'appelle Yseut. Elle est très belle. Elle a deux immenses yeux gris posés sur un visage pâle. Sa chevelure est longue, d'un blond roux et doré, tellement épaisse qu'elle semble respirer. Son corps est mince et souple. Il se déplace en silence. Ma femme est éblouissante. Elle a le royaume à ses pieds. Mais elle ne regarde jamais vraiment autour d'elle. Elle se contente de poser les yeux, sans douceur ni fierté. Sa bouche est grande et rose mais elle se tait, souvent. Elle se tait et mes mains fourmillent, je ne supporte pas son mutisme. Derrière son silence, je l'entends ordonner le saccage de ma vie. Derrière sa bouche de menteuse, sa peau blonde, je la vois s'acharner, avec calme, avec une étonnante maîtrise d'elle-même.
Les jours de fête, Yseut pose sur ses cheveux un diadème d'or très fin, serti d'émeraudes, de saphirs et de calcédoines. Elle aime aussi natter ses cheveux avec des rubans. Moi, je les préfère libres, flottants dans la lumière du soir.
Je la voudrais accroupie devant moi. Accroupie, non pas à genoux - cela suppose encore une noblesse de l'asservissement. Accroupie, au service de personne, dans une position ridicule, pour le seul plaisir de la voir ramassée sur elle-même. Accroupie comme si elle se soulageait à terre. Une reine dans la position d'un crapaud. Elle me fait honte. J'ai honte d'elle, comme un frisson de joie.
Tu pilles, tranquille. Tu pilles et moi je ne peux que t'aimer, sans vivre. Tu me gênes pour vivre - tu me gênes même pour mourir. La souffrance est tout ce qu'il me reste de notre histoire. Renoncer à ma douleur, c'est te perdre. Alors, dis-moi un peu : que me restera-t-il si je te pardonne ?
Moi je suis un roi sérieux. Je ne pille personne. Je veille. Un maître prend soin de ses gens. On n'est jamais seul au sein d'une cour. Yseut ne se déplace pas sans sa servante Brangien, son jeune valet Perinis ainsi que ses dames et ses suivantes. Vassaux, chapelains, barons et chevaliers me suivent. Certains fidèles dorment dans la chambre royale, près de mon lit. Un roi nourrit sa cour. J'aime voir les cavaliers et les dames manger deux à deux dans la même écuelle, partager la même coupe. Même les arrière-vassaux sont conviés à ma table. J'ordonne six services, jamais moins. Le merlan, le hareng et la morue ont été pêchés le matin même. Le gibier semble remuer encore. J'ordonne que l'on parfume les mets de girofle et de fleur de safran, venu de l'autre côté de la mer. Les fruits viennent du verger de Tintagel, mon château. Je choisis le pain de seigle et le miel auprès de mes meilleurs paysans. Les châtelaines sont vêtues de soie de Lucques et de Damas. Je demande des nappes de Flandre, des salières d'argent, ainsi que des jongleurs et des harpistes. On s'incline devant moi. Je ne vois que des crânes ou des coiffes. La seule qui ne fléchisse pas, c'est ma femme. On me parle avec respect. Yseut, elle, ne parle pas. Je lui prends la main. Elle se laisse faire. Sa main est molle et muette. Je pourrais doucement lui enserrer le cou, jusqu'à ce qu'elle devienne bleue, elle se laisserait faire aussi. Jolie, jolie femme que j'ai là - j'ai fait un bon choix. Autour de nous, les gens dansent. Elle se tient près de moi, droite, si lointaine que je voudrais mettre le feu à sa robe. Je voudrais voir son corps blanc sursauter, se raidir, puis se tordre. Je lui tiendrais les mains, sans lui faire trop de mal bien sûr. Je rêve d'entendre son cri - le cri d'Yseut brûlée vive… Parfois, allongé dans le noir, les yeux ouverts, j'imagine ses chevilles tranchées. Violence du coup, et ce sang noir qui m'aveugle. A terre, ses pieds gisent, inutiles désormais.
Pour que je vive à nouveau, il faudrait qu'elle souffre.
J'aime une femme que je déteste. J'aime une femme d'une beauté insupportable. Sa beauté m'indispose. A-t-on vu un roi observer à la dérobée une femme, de peur d'être éconduit ? Devant elle, ma couronne ne vaut rien. Elle m'abaisse au rang d'enfant craintif, maladroit. Pendant les cérémonies officielles, l'accueil des marchands, les visites du clergé, l'ouverture des tournois, je lève la main et je souris, j'écoute et je décide. J'essaie d'oublier, au fond de moi, cet enfant au regard fixe. Je suis le roi. Moi aussi j'ai la nuque haute, l'allure de mon rang. On ne résiste pas aux dommages de la vie sans leur opposer une certaine prestance.