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ФРАНЦ: семинар№1

Модератор: LyoSHICK

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ФРАНЦ: семинар№1

Сообщение Апрель » Вт май 17, 2005 13:54

Ну что ж! Давайте решим, какие тексты мы хотим! Предлагаю взять с сайта издательства,
http://www.edition-grasset.fr/chapitres ... pitres.htm
где печатаются первые главы выпущенных произведений. Много можно найти интересненького. Лично я люблю современную литературу, ее в основном и читаю. Жду встречных предложений!
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Сообщение Трули Ёрз » Вт май 17, 2005 14:02

Я тоже за современную литературу.
Только давайте что-нибудь живенькое... не занудное :))
я полагаюсь на ваш выбор.
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Сообщение Виктория » Чт май 19, 2005 13:36

Кажется, я что-то пропустила.. О чем речь идет? Объясните, пожалуйста, для тех, кто в танке.
Виктория

 
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Сообщение Costa Rica » Чт май 19, 2005 15:36

Виктория писал(а):Кажется, я что-то пропустила.. О чем речь идет? Объясните, пожалуйста, для тех, кто в танке.


И мне!
Costa Rica

 
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Сообщение Tiffany » Чт май 19, 2005 15:41

Tiffany

 
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Сообщение Юля » Пт май 20, 2005 23:27

А новичков возьмете? Я бы с удовольствием поучаствовала! :roll:
Делай, что должно, и будь что будет
Юля

 
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Сообщение Трули Ёрз » Пн май 23, 2005 13:21

И сразу гробовая тишина воцарилась во французском языке...
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Сообщение baudet » Пн май 23, 2005 14:10

Так предлагайте тексты.
Les parents ont toujours tort. Comme les absents. Ce qui n'est pas étonnant...
__________________

С уважением, Марина
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Сообщение Юля » Пн май 23, 2005 16:01

Ну вот Апрель предложила отличные тектсты. Давайте на чем-нибудь остановимся.
Делай, что должно, и будь что будет
Юля

 
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Сообщение Апрель » Пн май 23, 2005 18:05

День добрый, уважаемые форумчане!
Тишина гробовая - простите великодушно - болели глазки :shock:
Думаю сделать так: я выложу несколько кусков разных авторов, а потом вместе остановимся на чем-то одном, ОК?
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Исторический роман, осн. на легенде о Тристане и Изольде.

Сообщение Апрель » Пн май 23, 2005 18:16

Clara Dupont-Monod
La folie du roi Marc
roman


Je m'appelle Marc, je suis roi de Cornouailles et ma femme me trompe.
Elle s'appelle Yseut. Elle est très belle. Elle a deux immenses yeux gris posés sur un visage pâle. Sa chevelure est longue, d'un blond roux et doré, tellement épaisse qu'elle semble respirer. Son corps est mince et souple. Il se déplace en silence. Ma femme est éblouissante. Elle a le royaume à ses pieds. Mais elle ne regarde jamais vraiment autour d'elle. Elle se contente de poser les yeux, sans douceur ni fierté. Sa bouche est grande et rose mais elle se tait, souvent. Elle se tait et mes mains fourmillent, je ne supporte pas son mutisme. Derrière son silence, je l'entends ordonner le saccage de ma vie. Derrière sa bouche de menteuse, sa peau blonde, je la vois s'acharner, avec calme, avec une étonnante maîtrise d'elle-même.
Les jours de fête, Yseut pose sur ses cheveux un diadème d'or très fin, serti d'émeraudes, de saphirs et de calcédoines. Elle aime aussi natter ses cheveux avec des rubans. Moi, je les préfère libres, flottants dans la lumière du soir.
Je la voudrais accroupie devant moi. Accroupie, non pas à genoux - cela suppose encore une noblesse de l'asservissement. Accroupie, au service de personne, dans une position ridicule, pour le seul plaisir de la voir ramassée sur elle-même. Accroupie comme si elle se soulageait à terre. Une reine dans la position d'un crapaud. Elle me fait honte. J'ai honte d'elle, comme un frisson de joie.

Tu pilles, tranquille. Tu pilles et moi je ne peux que t'aimer, sans vivre. Tu me gênes pour vivre - tu me gênes même pour mourir. La souffrance est tout ce qu'il me reste de notre histoire. Renoncer à ma douleur, c'est te perdre. Alors, dis-moi un peu : que me restera-t-il si je te pardonne ?
Moi je suis un roi sérieux. Je ne pille personne. Je veille. Un maître prend soin de ses gens. On n'est jamais seul au sein d'une cour. Yseut ne se déplace pas sans sa servante Brangien, son jeune valet Perinis ainsi que ses dames et ses suivantes. Vassaux, chapelains, barons et chevaliers me suivent. Certains fidèles dorment dans la chambre royale, près de mon lit. Un roi nourrit sa cour. J'aime voir les cavaliers et les dames manger deux à deux dans la même écuelle, partager la même coupe. Même les arrière-vassaux sont conviés à ma table. J'ordonne six services, jamais moins. Le merlan, le hareng et la morue ont été pêchés le matin même. Le gibier semble remuer encore. J'ordonne que l'on parfume les mets de girofle et de fleur de safran, venu de l'autre côté de la mer. Les fruits viennent du verger de Tintagel, mon château. Je choisis le pain de seigle et le miel auprès de mes meilleurs paysans. Les châtelaines sont vêtues de soie de Lucques et de Damas. Je demande des nappes de Flandre, des salières d'argent, ainsi que des jongleurs et des harpistes. On s'incline devant moi. Je ne vois que des crânes ou des coiffes. La seule qui ne fléchisse pas, c'est ma femme. On me parle avec respect. Yseut, elle, ne parle pas. Je lui prends la main. Elle se laisse faire. Sa main est molle et muette. Je pourrais doucement lui enserrer le cou, jusqu'à ce qu'elle devienne bleue, elle se laisserait faire aussi. Jolie, jolie femme que j'ai là - j'ai fait un bon choix. Autour de nous, les gens dansent. Elle se tient près de moi, droite, si lointaine que je voudrais mettre le feu à sa robe. Je voudrais voir son corps blanc sursauter, se raidir, puis se tordre. Je lui tiendrais les mains, sans lui faire trop de mal bien sûr. Je rêve d'entendre son cri - le cri d'Yseut brûlée vive… Parfois, allongé dans le noir, les yeux ouverts, j'imagine ses chevilles tranchées. Violence du coup, et ce sang noir qui m'aveugle. A terre, ses pieds gisent, inutiles désormais.
Pour que je vive à nouveau, il faudrait qu'elle souffre.
J'aime une femme que je déteste. J'aime une femme d'une beauté insupportable. Sa beauté m'indispose. A-t-on vu un roi observer à la dérobée une femme, de peur d'être éconduit ? Devant elle, ma couronne ne vaut rien. Elle m'abaisse au rang d'enfant craintif, maladroit. Pendant les cérémonies officielles, l'accueil des marchands, les visites du clergé, l'ouverture des tournois, je lève la main et je souris, j'écoute et je décide. J'essaie d'oublier, au fond de moi, cet enfant au regard fixe. Je suis le roi. Moi aussi j'ai la nuque haute, l'allure de mon rang. On ne résiste pas aux dommages de la vie sans leur opposer une certaine prestance.
Là, je la regarde. Elle est gênée - ça te gêne, que ton mari te regarde ? Tu as l'impression de tromper ton amant ? Mon regard doit avoir quelque chose d'inconvenant. De vorace. Devant nous, assis dans cette tribune d'honneur, les chevaliers paradent avant le tournoi. Ils nous présentent leurs hommages. Les bannières défilent, colorées. Je vois passer les boucliers en forme de grande amande, décorés de sanglier, de lions. Je ferme les yeux. J'entends le froissement métallique des armures, le piaffement des chevaux. Les cavaliers passent, guettant un signe, un imperceptible hochement de tête de leur roi. Ils puisent dans mon salut une forme de confiance, la certitude de vaincre - et moi qui n'ai même plus la force d'ouvrir les yeux. Sous la tente rouge, Yseut sourit aux jouteurs. Elle sourit, mais son regard est sans fond. Je pourrais décrire ma femme sans la voir. Joli profil. Longs cils, nez fin, peau diaphane. Ses cheveux, nattés avec des fils de lin et d'or, sont roulés sur sa nuque. Elle se tient droite. Le corps est gracile, les formes soulignées. Ma femme est vêtue d'une robe de velours pourpre, coupée à la mode de France. Froncée sur les hanches, l'étoffe tombe et se plisse jusqu'aux pieds. Cette robe étroite est recouverte d'un manteau d'hermine blanche, disposée en bandes gaufrées, dont les bords se rejoignent dès la taille. Le col de zibeline mouchetée noir et gris est fermé par une chaînette de perles. Il lui arrive aussi de couvrir son corps nu d'une simple chemise de lin ou de soie. D'autres fois, elle le cache sous un bliaut, aux manches si larges qu'elles tombent jusqu'à terre. Elle est belle, vraiment. Son amant aussi a fait un bon choix.
Quand elle dort, je me glisse hors du lit jusqu'à ses vêtements. J'aime les doublures de soie, les robes de vair, les étoffes lamées, aux plis larges. Je les prends dans mes mains, comme un corps noyé, et je plonge ma tête dedans. Je sens le parfum de sa peau, mais aussi l'odeur de l'autre.
C'est un autre qui en profite, qui palpe ma femme, l'allonge, la respire. Un autre. Yseut ne m'aime pas - qu'y puis-je ? Yseut ne m'aime pas, répète-le, répète-le à voix haute, à voix basse, répète-le sans arrêt, jusqu'à n'en plus saisir le sens (ce matin encore tu as failli oublier que ta femme ne t'aimait pas, tu t'es tourné vers elle dans le noir de la chambre pour coller ton corps contre son dos, elle a creusé les reins, instinctivement, pour te fuir, tu t'es rapproché à nouveau, alors elle t'a repoussé, doucement - tu la dégoûtes, elle ne t'aime pas, sois vigilant).
Dis-toi qu'elle sait geindre et s'ouvrir, que sa tête roule contre le ventre d'un autre. Dis-toi qu'elle peut cesser de se taire pour parler des heures entières, d'elle et du monde qui l'entoure, qu'il lui arrive même d'éclater de rire. Avec un autre. A toi, elle réserve le silence, la pose altière d'une reine, le souci de remplir son rôle. Tu voudrais te poser derrière elle, glisser le plat de ta main contre ses épaules lisses, enserrer sa nuque et prendre la masse de ses cheveux pour y plonger ta tête, mais elle se dégagerait, agacée, ou, pire : elle se laisserait faire, absente, hors d'elle-même. Tu as encore failli oublier, tiens-toi donc tranquille, écoute : tu as droit au silence et au respect des règles - c'est tout. A tes côtés, elle maintient sa fonction.
Mais les règles sont avec moi. Je suis le roi. Yseut est mon épouse. A défaut de l'intimité, je dispose encore de la proximité. Une femme mariée dort avec son mari, quelle que soit son envie. Yseut rentre au milieu de la nuit, rarement tôt le matin - elle n'est pas folle : l'adultère se paye cher, et lui, lui donc ? Que me racontera-t-il demain matin ? Qu'il a bu toute la nuit avec d'autres chevaliers ? Qu'il a marché sur la plage, en proie à une insomnie ? A moins qu'il ne l'ait, cette franchise, cette odieuse franchise : " Sire, cette nuit, j'ai couché avec votre femme, si vous saviez comme elle m'aime… "
Elle s'approche à pas de loup, silencieuse dans la chambre silencieuse. Elle contourne les fauteuils en bois, comme en plein jour. Les tapisseries sur le mur étouffent son pas. Je ne bouge pas. Je veille à respirer lentement. Elle croit que je dors. J'ai les yeux ouverts dans le noir. Elle ne me voit pas, puisque le lit est fermé par les courtines, mais je peux l'apercevoir entre deux rideaux. Ses cheveux sont encore nattés, roulés sur sa nuque. Ses doigts minces défont les lacets du corsage. Elle le dépose doucement au pied du lit. Puis elle dénoue le ruban de sa tunique, glisse l'étoffe le long de ses bras et découvre son buste. La tunique tombe à terre dans un murmure de crépon froissé. Ma femme est nue, tout près de moi. Dans l'obscurité, je distingue son ventre parcouru d'un léger frisson chaque fois qu'elle respire, sa toison blonde, ses cuisses si blanches qu'elles semblent scintiller. Elle ne bouge pas. Cette indécence me met mal à l'aise. J'attends qu'elle vienne. Elle ne vient pas. Elle reste près du lit. Je lève un peu la tête. Sa main est remontée jusqu'à son visage. Elle la respire, les yeux mi-clos, elle respire cette main, immobile, extatique, cette main qui garde l'odeur de l'autre.
Je la sais touchée. Quand elle ôte sa robe, c'est un geste déjà accompli quelques heures auparavant. Son corps sale s'ouvre et se déplie, s'allonge une seconde fois. Pour la seconde fois en une nuit, elle s'étend à côté d'un homme. Parfois, je la plains de devoir agir ainsi, en répétition, de ne pouvoir jouir du plaisir de faire quelque chose d'unique, à jamais lié au souvenir de quelqu'un. Arriver, se déshabiller, s'étendre : en parfait automate, elle répète, m'offre la pâle copie de ses récents ébats. Elle se déshabille et s'allonge, sans passion, sans hâte, comme si, méthodiquement, elle me jetait les miettes de son histoire d'amour. Je ferme les yeux, sous la nausée. Malgré la tunique fine qui la recouvre pour la nuit, je sens, des pliures de son coude, de ses seins blancs, de ses jambes, monter d'insupportables odeurs de chair et d'herbe coupée, de sueur masculine et de nuit fraîche.
Pour elle, on chasse des cerfs et des marcassins, des hommes se font embrocher dans les tournois, d'autres composent, la nuit entière, des lais qu'elle fera semblant d'écouter. Elle est tout entière habitée par un autre. A la soie, Madame préfère la terre. Aux honneurs d'un roi, la misère d'un banni. Si je suis roi d'un domaine, un vassal règne en maître sur ma femme.
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Сообщение Апрель » Пн май 23, 2005 18:19

Frédéric Beigbeder
L'égoïste romantique


Lundi.

Tu crois que j'ai un truc à dire ? Tu crois que j'ai vécu quelque chose d'important ? Peut-être pas, peut-être pas. Je suis juste un homme. J'ai une histoire comme tout le monde. Quand je cours pendant une heure sur mon tapis roulant, j'ai l'impression d'être une métaphore.

Mardi.

J'en ai marre des billets d'humeur. Rien n'est plus épuisant que tous ces chroniqueurs payés pour ronchonner, ces stakhanovistes du grincement de dents. Les magazines regorgent de pigistes plus ou moins célèbres qui s'énervent sur commande. On voit leur photo en haut à gauche de la page. Ils froncent les sourcils pour bien souligner leur agacement. Ils donnent leur avis sur tout, avec un angle pseudo-original (en fait copié sur les confrères) ; ils n'ont pas la langue dans leur poche, ouille ouille ouille, on va voir ce qu'on va voir.
Or voici que vient mon tour. Il va falloir que je déteste hebdomadairement, que je me lamente tous les vendredis-samedis-dimanches. Chacune de mes semaines sera employée à glaner un prétexte pour bougonner. A 34 ans je vais devenir un vieux râleur rémunéré. Un jeune Jean Dutourd (sans la pipe). Non, c'est décidé : je refuse, je préfère publier mon journal intime, ce carnet nrv.

Mercredi.

Il y a une justice : les femmes jouissent plus fort que nous, mais plus rarement.

Jeudi.

Les riches ont de plus en plus mauvais goût, non ? L'Argent et ses milliers de robes surchargées de caillasses, son yacht immonde, ses baignoires aux robinets en or massif. Les pauvres sont désormais plus élégants que les riches. Les nouvelles marques de fringues comme Zara ou H&M ont rendu les bimbos fauchées mille fois plus sexy que les pétasses friquées. Le sommet de la vulgarité, c'est le fric, puisque tout le monde le veut. Ma concierge est plus chic qu'Ivana Trump. Ce qui me dégoûte le plus au monde ? L'odeur du cuir dans les voitures de luxe anglaises. Quoi de plus écœurant qu'une Rolls, une Bentley ou une Jaguar ? À la fin de ce livre, j'explique pourquoi.

Vendredi.

Ce qui serait bien, à présent, pour l'évolution de l'histoire du cinéma, ce serait de tourner un film porno où les acteurs feraient l'amour en se disant " Je t'aime " au lieu de " Tu la sens, hein, chiennasse ". Il paraît que cela arrive, dans la vie.

Samedi.

La crise du quinquagénaire, moi je l'ai vingt ans plus tôt.

Dimanche.

Je suis à Formentera, chez Edouard Baer, le seul véritable génie que je connaisse, qui a loué une villa sur la plage. Le matin bleu, les coups de soleil au menton. Il y a trop d'algues pour se baigner, en plus une méduse m'a piqué le pied. On enchaîne les cuites au gin Kas ou au Marquès de Càceres. On croise Ellen von Unwerth, Anicée Alvina, Maïwenn Le Besco et sa fille Shana Besson, Bernard Zekri et Christophe Tison de Canal +, des comédiennes qui changent de maison chaque nuit, des producteurs qui nous emmènent en bateau prendre des bains de boue, et puis, lors d'une soirée où Bob Farrell (le chanteur des Petits boudins) a mis dix fois son dernier CD : " Je voudrais t'enculer / Comme l'été dernier / Derrière les rochers ", une beauté méprisante prénommée Françoise dans une robe mauve, le dos nu comme Mireille Darc, doré comme la plage. Souffle cou coupé. Elle ne m'a pas adressé la parole ; pourtant, c'est grâce à elle si mes vacances sont réussies.
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Сообщение Апрель » Пн май 23, 2005 18:22

Jacqueline Harpman
LE PASSAGE DES EPHEMERES



Première partie

Delphine 't Servens à Werner Riemann :
20 octobre 2001, neuf heures du matin.
Il est impossible que, hier, à cinq heures, dans l'agitation d'une fin d'après-midi pluvieuse, j'aie vu cette fille, inchangée après quarante ans ! Elle sortait d'un grand magasin, les mains dans les poches d'un imperméable, elle a fait la moue devant l'averse, a relevé son capuchon sur la masse de cheveux blonds dont je me souviens si bien, puis s'est enfoncée dans la foule. J'étais figée, terrifiée. Lorsque j'ai pensé à la suivre, il était trop tard, elle avait disparu. Ce ne peut être qu'une ressemblance incroyablement exacte, ou une trahison de ma mémoire, mais j'en suis encore tremblante. Dites-moi, mon cher Werner, de m'apaiser. Rentrée chez moi, je suis allée au miroir : j'ai les cheveux blancs, mon visage est sillonné de rides, je parais largement mes soixante-dix ans, le temps passe pour tout le monde, il est évident que je me suis trompée. Peut-être a-t-elle eu une fille - mais qui aurait, forcément, plus de vingt ans ! Donc, ce serait sa petite-fille. Ou le hasard d'une ressemblance. Le patrimoine génétique de l'humanité est immense, certes, mais il y a tellement d'humanité que rien n'interdit d'imaginer une répétition parfaite. Cela est si absurde que je ne parviens pas à m'en servir pour me rassurer.
Tout de même, il y a quarante ans ! D'où me vient l'idée folle que ma mémoire serait précise au point que je n'aurais pas été leurrée par le souvenir ? Une fille blonde, aux traits peu marqués, jolie de façon assez banale : cela doit courir les rues, n'est-ce pas ?
Je tremble encore, Werner. Rassurez-moi.

DELPHINE.

Je suis une si affreuse égoïste que je ne songeais même pas à vous demander si votre entorse guérit bien ! Je ne mérite pas que vous me pardonniez.

Werner Riemann à Delphine 't Servens :
20 octobre 2001, dix heures et demie.
Mais non, chère Delphine, ce ne pouvait pas être elle, vous avez parfaitement raison, et vos sens vous ont trompée, quelle qu'ait été l'apparente précision de vos souvenirs. Il est certain que beaucoup de temps a passé, mon miroir le confirme aussi fermement que le vôtre, et cela tous les matins, avec une détestable ténacité, lorsque je me rase. Mon front est dégarni, ce qui n'arrive pas aux femmes, et votre belle chevelure qui pouvait si bien rivaliser avec la sienne fait toujours le bonheur de mes yeux, même si l'argent a remplacé l'ébène, mais les rides sont là, qui n'altèrent pas votre beauté et n'améliorent pas ma laideur. J'ai le poil rare, ma peau a perdu sa fermeté, et je ne vois pas comment la fille, qu'une vergogne bien compréhensible vous empêche même de nommer, aurait échappé à ce vieillissement qui est notre lot, pauvres humains ! D'autres mammifères ne sont pas sensibles à ses outrages : vous connaissez Mélanie, ma chatte blanche, elle a dix-sept ans, ce qui est un grand âge, et a gardé ses mines de chaton et sa grâce inaltérable. Tout juste si elle ne bondit plus aussi souplement que jadis. Je sais que dans les années qui viennent, tout à coup elle maigrira, perdra ses forces et un peu de sa vivacité, mais sur les dix-neuf ou vingt ans de sa vie, elle n'aura connu la vieillesse que peu de temps. Il n'en est pas ainsi de nous, dont la jeunesse est si courte : elle ne dure pas quatre décennies, et nous passons plus d'un tiers de notre vie à être vieux ! Ah ! si vous ne vous étiez pas trompée ! Imaginez que l'on vive cinquante, soixante, quatre-vingts ans dans le corps merveilleux de l'adolescence - puis, d'un seul coup, la sénescence nous prendrait, nous n'aurions pas le temps de le déplorer que nous serions déjà morts ! Peut-être votre terrifiante petite personne serait-elle la première d'une nouvelle espèce ?
Oh ! excusez ces plaisanteries ! Je sais quel étrange drame vous a, jadis, bouleversée, je voulais vous faire sourire, car il est impossible que vous ayez revu, inchangée, cette fille qui vous a épouvantée. Si démoniaque qu'elle vous ait paru, elle était de la race humaine, comme vous et moi. Serait-elle encore en vie, ce que vous ne souhaitez sans doute pas, elle a les cheveux blancs, le teint brouillé, et l'arthrose a commencé à lui ronger les articulations. Elle ne court pas légère dans la foule, son pas s'est alourdi, elle tient un gros cabas bourré de poireaux et de carottes pour la soupe du soir, et elle est fatiguée parce que, à son âge, la vie quotidienne est bien lourde.
Quant à mon entorse, elle m'encombre mais ne me fait plus souffrir, oubliez-la comme je l'oublie.
Je vous embrasse.

WERNER.

Delphine 't Servens à Werner Riemann :
20 octobre 2001, onze heures.
Cher Werner, vous êtes parvenu à me faire rire ! J'adore la promptitude de ce courrier électronique qui permet que je vous parle en détail de mes terreurs et que vous les apaisiez avant qu'il ne soit midi ! L'idée de ce petit monstre un cabas de poireaux à la main a eu raison de mes terreurs. Vous avez raison, ce ne pouvait pas être elle, j'ai été trompée par une ressemblance, mais je suis effarée. Après tant d'années, devais-je encore me trouver si bouleversée ? Là, sur le boulevard Anspach, je me suis sentie renvoyée dans le passé, tout m'est revenu en bloc, l'horreur, ce visage blanc, le cou dégagé et l'incroyable jaillissement du sang. J'ai revu le mouvement de sa main qui se levait, sa façon de la plaquer contre la blessure, serrant si fort que les tendons saillaient, rassemblant les bords de la plaie, debout, à peine vacillante, les doigts qui accrochaient durement la peau et les muscles, le jet rouge qui s'arrêta net, je ne bougeais pas, immobilisée par la terreur, je voulais m'élancer, l'aider, je le crois, je voyais le sol gluant devant mes pieds et, je m'en souviens, je me disais que j'allais glisser, tomber. Elle restait debout, dressée, dans sa robe blanche toute maculée de sang, le sang partout, par terre, le sang qui suinte encore quelques secondes entre ses doigts, elle souriait et parla. Peut-on parler, le cou ouvert comme cela ?
- Ce n'est pas grave, dit-elle.
Nous n'avons pas plus de quatre litres, quatre litres et demi de sang dans le corps : il y en avait partout, les murs étaient aspergés, les pages de notes qui traînaient sur la table couvertes, plus tard, j'en trouvai sur mes vêtements.
- Ce n'est pas grave.
Mais elle était très pâle, quasiment blême, car le sang donne la couleur à notre peau et elle ne devait presque plus en avoir dans le corps, c'est une image effroyable, qui ne m'a jamais quittée, cette fille qui chancelait en crispant les doigts sur ses carotides, elle aurait déjà dû être morte et elle souriait en me disant :
- Ce n'est pas grave.
D'un ton rassurant ! Mon Dieu ! Werner, il me semble que je viens d'écrire trois fois la même chose, j'entends encore sa voix, qui résonne normalement, à peine un peu moins vigoureuse que d'habitude, elle ne l'a dit qu'une fois, j'en suis sûre, mais les mots se réverbèrent en moi, ils vont dans tous les sens, se cognent aux parois et reviennent me bousculer, je suis renversée dans le sang, je crie. Non ! Cela c'est le cauchemar que j'ai fait pendant des années, je tombais dans cette mare de sang, je m'y enfonçais, je suffoquais, asphyxiée, et toujours j'entendais sa voix, un peu grave, très précise, qui répétait, de nuit en nuit :
- Ce n'est pas grave.
Combien de temps dure une éternité ? Vous connaissez mon tic, je regarde sans cesse ma montre, il ne me quitta pas, même dans ce moment insensé, et il ne passa pas plus de cinq minutes avant qu'elle ne se détendît. La main quitta le cou, la fille s'ébroua, avec un petit rire, oui ! un petit rire, je vous le jure, elle jeta un coup d'œil autour d'elle et s'exclama :
- What a mess ! Ah, là, là ! il n'y a que l'anglais, vous ne trouvez pas ? pour dire certaines choses. Quel gâchis, en français, ne donne pas aussi bien.
Discuter de la langue qu'il faut choisir pour exprimer exactement ses sentiments, dans une telle situation, parmi ces litres d'hémoglobine ! Vraiment ! on ne fait pas plus discordant. Elle continua, imperturbable :
- Tant de sang pour une petite coupure ! on n'a pas idée. Je dois avoir une nature plus exubérante que je n'aurais imaginé.
C'est là que mes nerfs lâchèrent, je me mis à trembler, je sentais venir l'évanouissement.
- Mais vous êtes toute pâle ! Sans doute ne supportez-vous pas la vue du sang. Venez, quittons cette pièce, je nettoierai plus tard.
Et elle me prit par les épaules, me guida vers la porte. Je me laissai faire quelques secondes, puis la terreur me reprit, je me dégageai violemment et m'enfuis, comme une enfant, comme une sotte, mais je ne me possédais plus et, en toute honnêteté, Werner, si je ne peux pas m'en excuser, je ne peux que me comprendre.
Vous connaissez la suite : on ne l'a jamais revue, et lorsqu'on est allé dans ce bureau, on n'y a pas trouvé une goutte de sang. Moi-même, j'ai failli croire que tout cela avait été une hallucination.
Je sais que non.

DELPHINE.

Werner Riemann à Delphine 't Servens :
20 octobre 2001, deux heures de l'après-midi.
Ne restez pas seule au loin avec votre tourment, Delphine. Je ne suis, hélas ! pas encore ingambe et je ne peux pas vous rejoindre : venez. Nous avons un magnifique automne, le ciel est bleu et on annonce que cela va durer : je vous attends. C'est la période que vous aimez tant, où les journées sont tièdes et les soirées fraîches, nous ferons brûler de grosses bûches dans la cheminée et nous boirons un peu trop avant d'aller dormir. Venez, venez vite.

WERNER.
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Сообщение Апрель » Пн май 23, 2005 18:25

Вот пока три куска, на разный вкус - если объем большой, то можно сократить. Чем руководствовалась при выборе? Тем, что три этих писателя у меня на слуху, на мой взгляд это не самые плохие современные французские писатели.
Вот тут полно текстов, если у кого-то есть определенные предпочтения:
http://www.edition-grasset.fr/chapitres ... theque.htm
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Сообщение Трули Ёрз » Пн май 23, 2005 18:36

Это уже можно выбирать и переводить?
Давайте только срок не очень маленький, а то некахда и лениво немного :))
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Сообщение Апрель » Пн май 23, 2005 19:28

Ну давайте выберем один какой-то и будем все его переводить, а потом сравним, посоветуемся, лучший выберем, исправим ошибки, если будут. Просто так как нас не очень много, предпочтительнее было бы переводить один и тот же кусок. :wink:
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Сообщение Трули Ёрз » Пн май 23, 2005 19:46

Может, с Бегбедера начнем для разминки? он не очень сложный, как мне показалось, небольшой по объему и живенький такой.
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Сообщение stella_kristina » Пн май 23, 2005 20:14

А можно я тоже участвовать буду? Я правда еще не делала переводов с французского, но очень хочется попробовать :wink:
С уважением,
Кристина
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Сообщение Апрель » Вт май 24, 2005 08:46

Я за Бегбедера! Подождем мнения остальных возможных участников и стартуем!
Кристина, да ради Бога! Чем больше мнений, тем лучше, в споре, как грится, истина и рождается! :P
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Сообщение baudet » Вт май 24, 2005 11:05

Plus on est de fous, plus on rit :lol: Я согласна на Бегбедера (ну и фамилия, однако) 8)
Les parents ont toujours tort. Comme les absents. Ce qui n'est pas étonnant...
__________________

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